Cybermalaises

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Définition

Les cybermalaises s’apparentent aux malaises dus au mal des transports (« motion sickness ») et se produisent pendant ou suite à l’immersion virtuelle. On croit qu’ils proviennent surtout d’un conflit entre trois systèmes sensoriels: visuel, vestibulaire et proprioceptif. Les yeux perçoivent un mouvement, qui peut être décalé de quelques millisecondes avec ce qui perçu par le système vestibulaire, alors que le reste du corps ne se déplace presque pas (Stanney, Kennedy, & Kingdon, 2002). Les cybermalaises peuvent aussi être causés par le port d’équipement (p. ex. lourdeur du casque, écran près des yeux). Lawson, Graeber, Mead et Muth (2002) ajoutent la possibilité que ces effets secondaires soient aussi reliés au Syndrome de sopite (grande fatigue due aux mouvements).

Selon Kennedy, Lane, Berbaum, et Lilienthal (1993), les effets secondaires temporaires associés aux cybermalaises se divisent en trois classes de symptômes étant reliés aux conflits sensoriels et au port de l’équipement: (1) les problèmes oculaires (fatigue des yeux, vision embrouillée, maux de tête), (2) la désorientation (vertige, déséquilibre) et (3) les nausées(vomissements, étourdissements). Les problèmes oculaires s’apparentent à l’écoute à proximité d’un téléviseur et ils sont surtout causés par le port du casque virtuel. Les nausées et les problèmes de désorientation sont temporaires et ils sont surtout causés par le conflit sensoriel. Les symptômes peuvent se comparer à la lecture dans une automobile.

D’autres symptômes pouvant être ressentis pendant ou suite à une immersion virtuelle : de l’inconfort général, la difficulté à faire le focus, l’augmentation de la salivation, la transpiration, l’impression de lourdeur dans la tête, conscience de l’estomac et les rots. Lawson et al. (2002) ajoutent une quatrième classe de symptômes étant reliée au Syndrome de sopite. Le Syndrome de sopite se décrit comme étant un mal des transports se manifestant uniquement par des signes de fatigue (difficulté de se concentrer ou de faire des efforts, l’apathie, les sensations de grande fatigue, de faiblesse, de lourdeur, etc.). Ce syndrome est possiblement causé par le système vestibulaire. Lawson et al. (2002) cite une étude dans les années soixante, effectuée par Graybiel et ses collaborateurs, qui démontre cette possibilité car les participants restreignaient intentionnellement leurs mouvements de tête même après la cessation des nausées.

De plus, les participants en santé ont été exposés pendant deux jours dans une chambre tournante ont ressenti des évidences de fatigue et d’apathie, même à un niveau faible de rotation (1.71 à 3.82 tours par minutes) alors que les participants du groupe contrôle ayant perdu leur fonction vestibulaire ne ressentaient pas ces symptômes sous les mêmes conditions.

Les cybermalaises ne représentent pas une maladie mais plutôt une réponse physiologique normale à la présence d’un stimulus inhabituel. Sur le plan sensoriel, les cybermalaises sont communs en réalité virtuelle : 50% à 100% ressentent des étourdissements et de 20% à 60% ressentent des symptômes abdominaux quelconques (Lawson et al., 2002). La fréquence des autres symptômes est moins documentée mais il semblerait que les problèmes oculo-moteurs soient prédominants dans la réponse de l’humain dans un environnement virtuel en mouvement (Lawson et al., 2002). L’intensité des cybermalaises varie toutefois beaucoup d’une personne à une autre.

Au moins 60% des utilisateurs d’environnements virtuels rapportent avoir ressentis des cybermalaises lors d’une première immersion. La proportion d’individus qui ressentent des effets secondaires sévères et à long terme est semblable à la proportion d’individus étant plus sensibles aux malaises dus au déplacement. Environ 5% des utilisateurs en réalité virtuelle ressentent des symptômes sévères tandis qu’un autre 5% des utilisateurs ne ressentent aucun effet secondaire.

Systèmes sensoriels

Structure de l’oreille interne:

L’oreille interne est aussi appelée labyrinthe, étant donnée sa forme compliquée (Marieb & Laurendeau, 1993). Elle comprend deux grandes divisions : le labyrinthe osseux et le labyrinthe membraneux :

1- Le labyrinthe osseux (Figure 1) est un système de canaux comprenant trois régions : le vestibule, la cochlée et les canaux semi-circulaires. Le vestibule est la cavité ovoïde située au centre du labyrinthe osseux (entre la cochlée et les canaux semi-circulaires). Ce petit organe sensoriel permet de détecter les mouvements de rotation et de translation de la tête et génère un signal de réponse correspondant. Le vestibule travaille conjointement avec les otolithes et les canaux semi-circulaires contribuant à l’équilibre. La cochlée est une cavité osseuse spiralée (limaçon) et elle naît de la partie antérieure du vestibule. Sa structure joue un rôle principal dans la perception du son. Les canaux semi-circulaires sont issus de la partie postérieure du vestibule et ils se divisent en trois sections : le canal semi-circulaire antérieur, postérieur et latéral. Chaque canal contient un conduit semi-circulaire membraneux. Ces conduits portent chacun une extrémité renflée appelée ampoule qui abrite la crête ampullaire, un récepteur de l’équilibre qui réagit aux mouvements angulaires de la tête.

2- Le labyrinthe membraneux (Figure 2) est un réseau de vésicules et de conduits membraneux logé dans le labyrinthe osseux. Deux organes otolithes, le saccule et l’utricule (vésicules), abritent les récepteurs de l’équilibre, qui réagissent à la gravité et encodent les changements de position de la tête (Marieb & Laurendeau, 1993).

Le système vestibulaire et l’immersion virtuelle

Des effets secondaires peuvent être ressentis suite à l’exposition en réalité virtuelle tels que : de la fatigue, de l’inconfort, des nausées, des maux de tête, de la fatigue des yeux, etc. Le système vestibulaire est possiblement impliqué dans plusieurs de ces expériences. La stimulation du système vestibulaire peut affecter une variété de comportements (Stoffrengen, Draper, Kennedy, & Compton, 2002) :

a) Stabilisation du regard « gaze stabilization ». Afin de maintenir une bonne vision, les yeux doivent être stabilisés en rapport avec l’objet regardé. La stabilisation des yeux en lien avec l’environnement illuminé a besoin d’information sur la position de la tête dans l’environnement; le système vestibulaire offre cette information. On parle ici souvent de réflexe vestibulo-oculaire. Lorsque la tête commence à bouger dans une direction quelconque, le système vestibulaire ressent le mouvement et envoie de l’information directement au système oculo-moteur (visuel). Lors de mouvements de la tête durant une immersion en réalité virtuelle, il se produit un léger retard entre les déplacements perçus par le système vestibulaire et l’information visuelle correspondante transmise par l’ordinateur. Ce délai pourrait causer des nausées et de la désorientation car il traduit (faussement) un signe de dysfonction du mécanisme de stabilisation du regard.

b) Contrôle et équilibre. Le vestibule est connu pour influencer le contrôle de la posture et de l’équilibre. Au même temps, la posture et l’équilibre sont très influencés par la stimulation des autres systèmes sensoriels tels que la vision, l’audition et le toucher, ceux-ci n’étant pas directement influencés par le système vestibulaire. Lors d’une immersion virtuelle, le vestibule et les autres systèmes sensoriels sont directement stimulés par l’environnement virtuel. Cette interaction entre le vestibule et les autres systèmes sensoriels ne concorde pas parfaitement dans un environnement virtuel (p.ex. qualité de l’image, retard entre l’image et le mouvement de la tête) et cela peut causer des cybermalaises.

c) Coordination «main-œil». On a souvent tendance à pointer des objets hors de notre portée. Dans ces situations, le comportement de pointer n’est pas vérifié par le toucher directement, mais il doit être vérifié par d’autres types de stimulations (p. ex. la vision). La précision de la vision guidée fluctue en fonction des changements dans les systèmes sensoriels et vestibulaire ainsi que dans les interactions entre eux. Dans un environnement virtuel, les changements dans l’adaptation vestibulaire produisent souvent une erreur à ce niveau et causent des effets secondaires

d) Autres influences. Le système vestibulaire peut aussi influencer directement ou indirectement certaines fonctions autonomes (p. ex. les réflexes vaso-moteurs, cardiaques, gastro-intestinaux et respiratoires) créant ainsi diverses sensations physiologiques. Les problèmes vestibulaires pourraient donc influencer le développement de troubles comme le trouble panique.

Le système visuel

Les humains possèdent une vision binoculaire qui se définit comme étant une formation simultanée de deux images d’un même objet sur la rétine des deux yeux. Comme les deux yeux sont placés à l’avant du crâne et regardent à peu près dans la même direction, leurs champs visuels se chevauchent considérablement mais ils captent les images sous un angle un peu différent. La vision binoculaire fournit un champ visuel réduit, toutefois elle permet la vision stéréoscopique, ce qui permet d’évaluer les distances et de situer les objets dans l’espace lorsqu’ils sont près. La vision stéréoscopique nécessite une coordination des deux yeux et une convergence précise sur les objets. L’accommodation de l’œil qui focalise sur un objet et la vergence des yeux pour fixer cet objet lorsqu’il se trouve à moins de trois mètres permet de percevoir à quelle distance l’objet se trouve. À plus de trois mètres de distance, le phénomène de vergence n’est plus affecté car les deux yeux regardent directement vers l’avant (May & Badcock, 2002).

Système visuel et immersion virtuelle

En immersion virtuelle, les problèmes oculaires sont, en partie, dus au fait que la personne porte un casque et que l’écran se trouve près des yeux. Ces conséquences sont temporaires et sont comparables à quelqu’un qui regarde la télévision de près. Par contre, l’œil s’adapte rapidement et les casques de réalité virtuelle sont développés afin de minimiser ce phénomène. Il est toutefois recommandé de limiter la durée de l’exposition virtuelle à 20 ou 30 minutes, puis de prendre une pause avant de poursuivre la rencontre. Les cybermalaises peuvent aussi être causés par le retard entre l’image projetée dans le casque virtuel et le mouvement de la personne immergée. Ce délai affecte la coordination des deux yeux qui doivent se réadapter. Lorsqu’il y a un conflit entre l’accommodation et la vergence des yeux, cela peut créer des effets secondaires. En réalité virtuelle, le casque virtuel peut être muni d’un système monoscopique (casque bi-oculaire) ou stéréoscopique (casque binoculaire) (Wann & Mon-Williams, 2002) :

a) Système monoscopique : le système monoscopique signifie que les deux yeux perçoivent la même image, ce qui donne une impression de type « 2 dimensions ». L’image de l’environnement virtuel projeté à l’écran semble moins réaliste mais elle ne risque pas de provoquer de stress visuel. Il est possible qu’un casque virtuel bi-oculaire amène des changements dans le système visuel mais cela nécessite un système avec une qualité optique pauvre et des capteurs de position à faible performance.

b) Système stéréoscopique : le système stéréoscopique permet de projeter une image différente pour chaque œil, ce qui donne l’impression « 3 dimensions ». Le potentiel de cybermalaises est plus probable avec l’utilisation d’un casque stéréoscopique binoculaire car les yeux doivent faire encore plus d’effort pour se coordonner et s’adapter. Les phénomènes de vergence et d’accommodation pour évaluer la distance sont les mêmes à l’intérieur d’un environnement virtuel. Les efforts effectués par les yeux peuvent causer des étourdissements, mal de cœur ou de tête, etc., particulièrement lorsqu’on se déplace dans l’environnement virtuel et qu’il y a un délai entre l’image et les mouvements. L’utilisation d’un écran stéréoscopique peut aussi provoquer un stress visuel car tout changement minime de la position du casque sur la tête peut créer un changement important au niveau de l’angle du regard.

Un autre domaine des plus étudiés du système visuel en réalité virtuelle concerne la relation entre les cybermalaises, la vection, les problèmes posturaux et autres effets secondaires perceptuo-moteurs. La vection représente l’illusion de déplacement induite par des images en mouvement. En terme de vection, comme pour les stimuli en mouvement, les champs visuels en mouvement peuvent causer un inconfort significatif lorsqu’un individu regarde d’une position stationnaire (p. ex. regarder un film au IMAX)

La vection circulaire semble induire les symptômes de malaises dus au mal des transports chez environ 60% des participants en bonne santé (Hettinger, 2002). Ce type de malaises a été traditionnellement attribués à l’existence de conflits entre l’information des systèmes sensoriels en lien avec l’orientation et la perception de nos propres mouvements.

Le système proprioceptif

Le système proprioceptif est directement lié au contrôle moteur du corps humain. Les signaux internes correspondant aux commandes des mouvements contribuent à la vigilance proprioceptive et spatiale.

Lors d’une immersion virtuelle, le contrôle et la perception du mouvement dépendent beaucoup du système proprioceptif (lien entre le désir de faire un certain mouvement et le mouvement même). Les environnements virtuels peuvent mener à des erreurs perceptuelles et motrices jusqu’à ce que l’adaptation interne à ce nouvel environnement soit effectuée. Cette adaptation peut prendre de 30 à 60 secondes (Stanney et al. 2002) et semble se poursuivre après l’immersion. Lorsqu’un utilisateur s’est adapté à l’environnement virtuel et qu’il revient faire les mêmes mouvements dans l’environnement réel, l’adaptation au virtuel peut être encore présente, ce qui peut causer des effets secondaires ou « after-effects ». Ces effets secondaires peuvent inclure : l’exécution déviée d’un membre et du mouvement général du corps, des erreurs proprioceptives, un estimation erronée des forces extérieures ou une mauvaise localisation visuel et auditif (DiZio & Lackner, 2002).

Plusieurs environnements virtuels peuvent introduire chez l’humain un réarrangement sensori-moteur qui se résulte en cybermalaises, suivi d’une adaptation proprioceptive à cet environnement. Au retour dans l’environnement réel, les systèmes doivent de réadapter, ce qui cause des effets secondaires après l’immersion (Welch, 2002).

Il existe deux facettes importantes au système proprioceptif pouvant contribuer à l’adaptation : (1) la sensation intuitive de la position et l’orientation du corps et (2) la sensation de force ou d’effort. Ce système comprend une interaction de signaux afférents et efférents à propos d’un membre, de la position corporelle et d’un mouvement, des représentations internes du schéma corporel, de l’orientation spatiale et de la représentation des contraintes environnementales. Tout cela peut provoquer différents types d’effets secondaires. Les principes qui gouvernent la spécificité de l’adaptation sont à la source de la compréhension du type d’effets secondaires qui seront ressentis lorsque l’utilisateur reviendra dans le monde réel pour y effectuer ses activités quotidiennes.

Théories explicatives des cybermalaises

1- théorie du conflit entre les systèmes sensoriels :
La théorie du conflit sensoriel est présentement la plus acceptée pour expliquer l’apparition des symptômes causé par le déplacement. Cette théorie suppose que l’orientation de l’humain dans un espace tri-dimensionnel est basée sur un minimum de quatre entrées d’informations sensorielles dans le système nerveux central : (1) les organes otolithes offrent de l’information concernant l’accélération linéaire, de la vélocité et l’inclinaison; (2) l’information sur l’accélération angulaire est fournie par les canaux semi-circulaires; (3) le système visuel donne l’information concernant l’orientation corporelle en respect avec la scène visuelle; (4) les systèmes du toucher, de pression et kinesthésique fournient l’information à propos des membres et de la position corporelle. Quand l’environnement est altéré de façon à ce que l’information des systèmes sensoriels ne concorde pas les patterns déjà mis en place, des symptômes peuvent alors apparaître (Harm, 2002). Cette théorie est généralement bonne mais elle explique peu en détails certaines situations particulières, par exemple, lorsque l’utilisateur vit un conflit sensoriel mais aucun malaise. De plus, cette théorie rend difficile la possibilité de quantifier le conflit ou d’expliquer les mécanismes sous-jacents. Elle n’inclue pas le conflit sensori-moteur ou d’explication sur comment l’adaptation peut se faire sans conflit.

La désorientation et les nausées, par exemple, semblent causées par un conflit entre l’information reçue dans le cerveau par plusieurs systèmes sensoriels. Le mouvement corporel est perçu par des mécanismes visuel, vestibulaire et proprioceptif. En l’absence d’éléments visuels (p. ex. noirceur, brouillard), l’orientation et le mouvement de la tête sont détectés par le système vestibulaire. En situation normale, les informations provenant de ces systèmes concordent parfaitement. Mais en réalité virtuelle, les yeux indiquent que la personne se déplace alors que les systèmes vestibulaire et proprioceptif indiquent que non. La situation inverse se produit lorsqu’on lit alors que la voiture se déplace. Ainsi, lorsqu’il y a apparition de conflits sensoriels, la personne peut ressentir des cybermalaises.

Toutefois, certains problèmes ont été soulevés à travers les années incluant les raisons expliquant pourquoi seulement certains types de conflits sont reliés aux nausées, pourquoi le même conflit ne se présente pas chez tous les individus (ou pour le même individu dans diverses circonstances), et comment quantifier le degré de conflit présent dans une situation donnée en lien avec la fréquence et la sévérité des malaises dus au déplacement. Stroffregen et Riccio (1991) ont proposé une explication alternative prometteuse, suggérant que les malaises dus au déplacement, qu’il se manifestent dans un environnement virtuel ou réel, résultent d’une interruption des activités normales du contrôle postural. Toutefois la théorie du conflit sensoriel semble avoir de la valeur dans l’explication de plusieurs situations qui résultent en un désordre postural prolongé et/ou de malaises dus au déplacement. Il est possible que les deux théories soient correctes et que ce type de malaise, incluant l’induction par la vection, résultent ultimement de l’interruption inhabituelle du cycle normal et la perception et de l’action.

2- La théorie sur l’intoxication:
selon Treisman (1977), suggère que les mécanismes provoquant les malaises dus au déplacement résultent d’une réponse corporelle visant à retirer les toxines de l’estomac (Harm, 2002). Treisman croit que le mouvement est simplement un stimulus artificiel qui active ces mécanismes ou, plus spécifiquement, que les mouvements provoqués agissent sur les mécanismes créés et développés pour répondre aux dérangements physiologiques produits par les toxines absorbées. L’activité neurologique, permettant la coordination de l’entrée d’information de tous les systèmes sensoriels afin de contrôler les membres du corps et les mouvements oculaires, serait troublée par les effets des neurotoxines. Par conséquent, le dérangement de cette activité par les mouvements non-naturels est interprété comme une indication de l’absorption de toxines qui active le mécanisme produisant la réponse émétique. Money et al. (1996) précisent que les malaises dus au déplacement sont une intoxication, initiée par le système vestibulaire, comprenant deux phénomènes majeurs : la réponse de l’estomac qui se vide (contrôle parasympathique) et la réponse de stress (contrôle sympathique). Le système vestibulaire serait impliqué dans la régulation du système nerveux autonome, malgré que la procédure reste incertaine. Une critique concernant la théorie sur l’intoxication concerne le temps requis pour une toxine d’affecter les mécanismes vestibulaires (Harm, 2002). Il semble que la durée serait trop longue pour permettre l’efficacité du vomissement pour éliminer les toxines dans la région gastro-intestinale, ainsi serait l’une des dernières options de défense contre l’intoxication.

3- Théorie écologique:
Elle suggère que les malaises dus au mal des transports sont causés par une instabilité posturale prolongée, ce qui contredit la théorie sur le conflit entre les systèmes sensoriels. Cette approche est basée sur la perception et l’action, où les interactions entre l’humain et l’environnement sont au centre du problème. Riccio et Stoffregen (1991) reconnaissent l’existence d’un changement dans la stimulation sensorielle à l’intérieur de situations provocatrices, mais ceux-ci sont déterminés par des changements sur la façon dont l’environnement gêne le contrôle de la posture. La durée et l’intensité de l’instabilité prédisent l’intensité des symptômes.

Il existe aussi quelques limites à cette approche. Premièrement, cette théorie ne permet pas d’expliquer entièrement pourquoi les individus avec des problèmes au niveau du labyrinthe (oreille interne) ne ressentent pas de malaises dus au déplacement. Deuxièmement, celle-ci n’offre pas d’explication sur les mécanismes impliqués et leur fonctionnement. Finalement, cette approche n’offre pas d’explication claire sur les raisons expliquant pourquoi l’instabilité posturale cause des malaises dus au déplacement.

En conclusion, les trois théories ainsi que leur limites pour expliquer les malaises dus au mal des transports démontrent bien la complexité de ce phénomène. Les théories sur le conflit entre les systèmes sensoriels et la théorie écologique tentent, de leur côté, d’expliquer les conditions sous-jacentes à ce type de malaise mais n’offrent aucune raison concernant l’apparition les symptômes, tandis que la théorie sur l’intoxication tente d’en expliquer les causes évolutionnaires. Toutefois, ces différences n’empêchent pas que ces théories ne s’opposent pas nécessairement; les auteurs s’entendent pour dire que les conditions provoquant les symptômes impliquent l’information sensorielle multimodale, mais leur point de vue diffère lorsque l’on tente de comprendre d’où vient l’information de ces modalités sensorielles (Harm, 2002).

Facteurs susceptibles d’influencer les cybermalaises

Il existe trois catégories de facteurs susceptibles d’influencer l’intensité des cybermalaises générés par un environnement virtuel (psicologia.net; North et al., 1995; Stanney, 1998): les caractéristiques des sujets, les caractéristiques du système et les caractéristiques liées aux tâches demandées. Pour le moment, ces facteurs nous servent de guide quant à l’application de la thérapie virtuelle. Cependant, le développement d’une théorie causale du cybermalaise permettrait de mieux prédire une combinaison de facteurs susceptibles de créer des effets secondaires suite à une exposition virtuelle (Stanney et al., 1995). Malgré que plusieurs suggestions aient été amenées pour expliquer l’origine des cybermalaises, il n’existe toujours pas de théorie définitive à ce sujet.

1- Caractéristiques du sujet:
a)Physiques: l’âge (moins de 12 ans), le sexe (féminin), l’origine ethnique (Chine), la stabilité posturale et l’état de santé (insomnie, otite, médicaments).
b) Expérience avec la réalité virtuelle et les tâches à faire (les cybermalaises diminuent avec l’expérience).
c)Perceptions: le style, le degré de concentration et l’habileté à effectuer des rotations mentales.

Le niveau et le type d’effet secondaire varient grandement parmi les utilisateurs de systèmes de réalité virtuelle. Certains sujets semblent ressentir un bref malaise au départ pour ensuite s’adapter, tandis que d’autres ressentent les symptômes plus lentement. Selon Howart et Costello (1996), certains sujets rapportent une augmentation linéaire des symptômes lors de la période d’immersion; ceci pourrait suggérer qu’ils auraient plus de difficulté à s’adapter au nouvel environnement (au niveau comportemental ou neurobiologique) que d’autres personnes, cette difficulté d’adaptation diminuant cependant considérablement avec l’expérience et l’habituation.

L’âge semble aussi influencer la susceptibilité aux cybermalaises. Riva et al. (Psicologia.net) suggère que cette sensibilité serait plus grande chez les enfants de deux à 12 ans et qu’elle aurait tendance à diminuer rapidement entre 12 et 21 ans, puis plus lentement par la suite. Une hypothèse possible porterait sur le fait que les aptitudes techniques (p. ex. visualisation spatiale, orientation, mémoire spatiale, etc.) sont moins développées chez les enfants. Les études citées par North et al. (1996) suggèrent que ces difficultés rencontrées pourraient être particulièrement liées aux habiletés de navigation dans le monde virtuel. Dans ce cas-ci, une assistance plus directive est recommandée pour assurer et maintenir la navigation spatiale.

2- Caractéristiques du système
a) L’écran: la luminosité, les contrastes et la résolution spatiale doivent être ajustés en fonction de la tâche à faire pour atteindre le niveau de performance optimale; le clignotement de certains écrans (“flicker”) à une fréquence de 8 à 12 Hertz peut devenir déconcentrant et contribuer à la fatigue des yeux. Toutefois, l’équipement utilisé actuellement ne pose que peu ou pas de problèmes à ce niveau.
b) Poids du casque: il peut y avoir une augmentation des symptômes physiques lorsque le sujet porte un casque lourd trop longtemps (Howarth, & Costello, 1996). Cependant, l’équipement devenant de plus en plus sophistiqué, ce problème peut être évité par le port d’un casque plus léger.
c)Retard temporel: le retard entre les mouvements de la tête et l’image correspondante sur l’écran est aussi une source de conflit entre la perception visuelle et vestibulaire. Ce conflit peut se présenter soit lorsque la stimulation visuelle est présente en l’absence de stimulation vestibulaire, soit lorsqu’il existe un délai entre les sensations vestibulaires du mouvement et le mouvement perçu à l’écran ou encore lorsque le mouvement de la scène visuelle est déformé comparativement aux mouvements de la tête. Ici aussi, la puissance des équipements permet l’élimination de ce problème.
d) « Stress visuel » (“visual stress”): l’utilisation d’un écran stéréoscopique peut provoquer un stress visuel, car tout changement minime de la position du casque sur la tête peut créer un changement important au niveau du degré de convergence des yeux (“gaze angle”). Ceci peut être solutionné par le port d’un casque se positionnant de façon plus stable sur la tête. L’utilisation d’un écran bi-oculaire ne semble pas créer ce genre de stress visuel (Mon-Williams et al., 1998).

3- Caractéristiques de la tâche:
a) Contrôle des mouvements : Le contrôle des mouvements dans l’environnement virtuel diminue l’apparition des symptômes ainsi que la vitesse des mouvements.
b) Caractéristiques de l’image visuelle: Les différentes caractéristiques de l’image peuvent aussi diminuer l’apparition de symptômes telles que la qualité du champ de vision, le contenu de la scène et/ou de la région observée, etc.
c) Interaction avec la tâche: une durée de moins de 10 minutes ou de plus de 40 minutes peut influencer l’appartition de nausées; la station assise est préférable à la station debout, etc.

Contrôler les cybermalaises

En plus de l’avancement technologique, certaines précautions générales peuvent aussi être prises afin d’atténuer l’intensité des cybermalaises au cours d’une séance de thérapie virtuelle :

1- Expliquer aux sujets la différence entre les symptômes d’anxiété et ceux reliés aux cybermalaises (directement liés à l’environnement virtuel). Si la personne ressent un malaise important relié à l’adaptation au virtuel (et non relié aux symptômes d’anxiété), la session se termine immédiatement. Cette règle ne s’applique pas nécessairement pour l’exposition in vivo puisque le fait de terminer la session pourrait donner la chance à l’individu d’éviter les situations phobogènes.

2- La durée de l’exposition est de 20 à 30 minutes et le client devrait attendre une vingtaine de minutes après la séance avant de quitter.

3- Les gens souffrant de problèmes médicaux sérieux (problèmes cardiaques, épilepsie), de troubles psychotiques ou ayant consommé des psychotropes induisant des effets physiologiques ou psychologiques importants ne devraient pas participer à des séances de réalité virtuelle.

4- Asseoir les participants sur une chaise ou placer une rampe pour qu’ils puissent s’y tenir. Il est aussi possible de positionner le casque afin qu’ils puissent voir leur corps partiellement.

5- Ajuster l’adapteur de l’image (“tracker”) en fonction de la sensibilité du client. Si l’image est trop rapide ou inversement s’il y a trop de retard entre le mouvement de la tête et celui de l’image, le thérapeute peut ajuster la vitesse pour diminuer l’intensité des cybermalaises. De plus, il est préférable d’ouvrir l’appareil cinq minutes avant de débuter la session et de poser le casque à l’horizontale sur la tête du client pour éviter que l’image se déplace trop rapidement ou dans un angle différent lors de la mise en place du casque.

En suivant ces précautions, le degré d’immersion diminue, mais le degré de sécurité psychologique et physique de l’individu augmente, rendant ainsi le risque d’inconfort à son minimum (North et al., 1996).

En plus de ces recommandations générales, notre Laboratoire a développé un protocole plus complet afin de favoriser la réduction des cybermalaises, permettant ainsi au thérapeute d’assurer au participant un contrôle maximal et sécuritaire (voir le protocole long et le protocole bref)

Références

DiZio, P., & Lackner, J.R. (2002). Proprioceptive adaptation and aftereffects. In K.M. Stanney (Eds.) Handbook of virtual environments: Design, implementation, and applications (pp. 751-771). Mahwah : IEA

Kennedy, R.S., Lane, N.E., Berbaum, K.S., & Lilienthal, M.G. (1993). Simulator Sickness Questionnaire: An enhanced method for quantifying simulator sickness. International Journal of Aviation Psychology3(3), 203-220.

Harm, D.L. (2002). Motion sickness neurophysiology, physiological correlates, and treatment. InK.M. Stanney (Eds.) Handbook of virtual environments: Design, implementation, and applications (pp. 637-661). Mahwah : IEA.

Hettinger, L.J. (2002). Illusory self-motion in virtual environments. In K.M. Stanney (Eds.) Handbook of virtual environments: Design, implementation, and applications (pp.471-491). Mahwah : IEA.

Lawson, B.D., Graeber, D.A., & Mead, A.M. (2002). Signs and symptoms of human syndromes associated with synthetic experience. In K.M. Stanney (Eds.) Handbook of virtual environments: Design, implementation, and applications (pp. 589-618). Mahwah : IEA

Marieb, E.N., & Laurendeau, G. (1993). Anatomie et physiologie humaine. St-Laurent : ERPI.

May, G.J., & Badcock, D.R. (2002). Vision and virtual environments. In K.M. Stanney (Eds.) Handbook of virtual environments: Design, implementation, and applications (pp. 589-618). Mahwah : IEA.

Money, K.E., Lackner, J., & Cheung, R. (1996). The autonomic nervous system and motion sickness. In B.J. Yates & A.D. Miller (Eds.). Vestibular autonomic regulation (pp.147-163). Boca Raton, FL: CRC Press.

Riccio, G.E., & Stoffrengen, T.A. (1991). An ecological theory of motion sickness and postural instability. Ecological Psychology, 3, 195-240.

Société internationale de réhabilitation vestibulaire (2002). Le labyrinthe membraneux et osseux.. Retreived on August 22, 2002, from: http://www.vestib.org/chap4anatphysio/omivestib.htm.

Stanney, K.M., Kennedy, R.S., & Kingdon, K. (2002). Virtual environment usage protocols. In K.M. Stanney (Eds.) Handbook of virtual environments: Design, implementation, and applications (pp.721-730). Mahwah : IEA.

Stoffregen, T.A., Draper, M.H., Kennedy, R.S., & Compton, D. (2002). Vestibular adaptation and aftereffects. In K.M. Stanney (Eds.) Handbook of virtual environment : Design, implementation, and applications (pp. 773-790). Mahwah : IEA.

Stoffrengen, T.A., & Riccio, G.E. (1991). An ecological critique of the sensory conflict theory on motion sickness. Ecological Psychology, 3, 151-194.

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